Cercle Raymond Aron

 

Les conférences


Le Cercle Raymond Aron est actuellement en contact avec les intervenants suivants, dans le but de les faire venir à l'IEP :

* M. Christian Blanc, diplômé de l'IEP de Bordeaux, ancien PD-G de la RATP et d'Air France.

* M. Erik Sandahl, ancien élève de l'IEP de Paris, colonel français à l'OTAN, professeur à Saint-Cyr, spécialiste de la Russie

* M. Jean-Louis Bourlanges, député européen UDF, conseiller référendaire à la Cour des comptes

* M. Charles Pasqua, président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, ancien ministre de l'Intérieur, président du RPF, candidat aux présidentielles 2002

* M. Paul Quilès, député PS, ancien ministre de la Défense

 

RESUME DE LA PREMIERE CONFERENCE AVEC

ROLAND HUREAUX (LE 11 DECEMBRE)

Conférence sur le thème :" L'idéologie est-elle morte ? " Etude de cas : l'Europe
d'après son ouvrage " Les Hauteurs béantes de l'Europe " (éd. Fr.-X. de Guisbert)

Roland HUREAUX : normalien, énarque, agrégé d'Histoire, ancien collaborateur aux cabinets de MM. SEGUIN et BALLADUR,premier adjoint au maire de CAHORS.
Il fut professeur à l'IEP de 1995 à 1997.

Le discours de Roland Hureaux :

Qu'est-ce que l'idéologie ?

Dans un sens général c'est un système de pensée qu'auront les individus dans leurs prises de position.
Si on cherche à affiner la définition on peut trouver 3 sens plus précis :

Nous allons développer le sens que les libéraux lui ont donné. Ils ont essayé d'observer l'utilisation de l'idéologie par les régimes totalitaires. Si le nazisme semble lisible dans sa nature ( "ce sont des méchants qui ont l'air de méchants"), le communisme est plus subtil et plus fascinant. Mais derrière son masque il a tout de même fait une centaine de milliers de victimes.

Les penseurs ont essayé de comprendre l'absurde : que leur est-il arrivé ? Qu'est-il arrivé au siècle ? Ils ont essayé de comprendre les ravages que les mauvaises idées pouvaient faire appliquées à la politique. Pour Hannah Arendt les idéologies sont des ismes qui prétendent tout expliquer en partant de plusieurs prémisces. Pour Baechler, c'est la volonté d'organiser l'action sociale jusqu'au bout.

L'idéologie peut être définie selon 24 critères que l'on peut regrouper en 4 parties : le rapport au savoir, au pouvoir, au temps, à la nature.

 

I. LES CRITERES DE L'IDEOLOGIE

LE SAVOIR

1. Simplification de la réalité : ex : Proudhon "la propriété c'est le vol" ou Marx "l'histoire du monde est la lutte des classes"
2. Approches scientifiques : l'idéologie singe la science
3. Primat du Savoir : héritage de gnoses antiques du Ier et IIème siècle, on obtient le salut par le savoir. Le marxisme est une gnose moderne.
4. Organisation de la société selon ce savoir : ex : Marx, oragnisation de la société selon un savoir sociologique ou Hitler, organisation de la société selon un savoir biologique.
5. Cohérence interne : selon Saint-Thomas, la vérité est la cohérence interne d'un raisonnement. Les idéologies se disent vraies car cohérentes. Quand on poursuit l'idée de racisme jusqu'au bout, on arrive à la schoah. Quand on poursuit l'idée de l'élimination de la bourgeoisie on en arrive aux goulags.
6. Idéologie universelle, c'est à dire qui vaut pour le monde entier. Le national socialisme par exemple, était de moins en moins national : les SS avaient pour consigne d'effacer la notion de nation. Le Salut de l'humanité passait par la promotion des meilleurs. Il fallait donc conquérir le monde.

LE POUVOIR

1. L'idéologie est antidémocratique : certains ont le savoir et d'autres ne l'ont pas, et il y a une haine des ignorants. Par exemple, Lénine dans Que Faire affirme que les syndicats ne sont pas représentants du prolétariat car ils sont réformistes or la classe ouvrière doit faire une révolution et non pas des réformes.
2. L'idéologue est intolérant, il a le refus du débat.
3. L'idéologue ne peut être ni décentralisateur, ni fédéraliste. Ceux qui savent dirigent ceux qui ne savent pas. Don tout est centré sur ceux qui savent.
4. La bureaucratie contrôle car elle concentre ceux qui savent.
5. Pas de pluralité des pouvoirs
6. hostilité aux religions : judaïsme pour le nazisme, christianisme pour le communisme.

LE TEMPS

1. L'histoire a un sens : ce sens de l'histoire dérive de la pensée chrétienne, des millénaristes du Moyen-Age qui attendaient l'avènement du monde parfait.
2. Importance du progrès
3. Promesse de lendemains qui chantent, mais...
4. ...nécessité dans le présent de sacrifices. Il y eut des sacrifices de peuples entiers pour améliorer la période actuelle sur laquelle ils sont très pessimistes.
5. Mouvement perpétuel : on n'atteint jamais le but. Pour Arendt c'est une marche constante de l'homme vers des buts toujours nouveaux.
6. Idéologie irréversible
7. Haine du réel totale : le révolutionnaire a un objectif de perfection.
8. Abolition des différences. Pour le nazisme, abolition des différences biologiques. Pour le marxisme, abolition des classes sociales, des Nations ("L'internationale sera le genre humain") .


LA NATURE

1. L'idologie essaie de modifier la réalité. Par exemple Lyssenko avait une théorie reprise par le régime de Staline, sur l'hérédité des caractères acquis, théorie fausse : Mengel et Morgan ont démontré qu'il y a une très lente évolution des caractères génétiques. Même sur 35 000 ans il y aurait eu très peu d'évolution. Il existe des constantes chez l'homme que l'idéologie nie.
2. L'idéologie s'attaque à la morale, à la culture. Par exemple, les nazis prônaient la cruauté, rejetant la tradition d'humanisme.
3. Si on pousse l'idéologie à son terme on se trouve face à des absurdités. Par exemple un régime où il y a énormément de gaspillages qui ne profitent à personne. On mange très mal partout. Ou par exemple dans le régime nazi où les trains de déportés avaient la priorité sur les trains de ravitaillement.
4. Des effets pervers : l'idéologie n'a pas les résultats escomptés.

 

II. EST-CE FINI?

On peut tirer la page sur les totalitarismes. Mais peut-on tirer la page sur les idéologies ? Hureaux ne le pense pas. L'idéologie peut être sectorielle.
- Education nationale : idéologie de l'égalitarisme a poussé à vouloir de plus en plus égaliser les chances des enfants. Donc on a mis fin à la diversité des filières. On essaye de faire passer les enfants par le même moule. Mais les inégalités sont de plus en plus grandes, et les enfants en savent de moins en moins. Si certains savent c'est qu'ils apprennent à la maison. Pour les enfants pauvres et sans relations c'est beaucoup plus difficile de réussir dans la vie. On est loin de l'Ecole de la République.
-Le système de santé britanique : on l'a nationalisé après guerre. Ceux qui ont de l'argent vont se faire soigner dans des cliniques spécialisées, ceux qui n'ont pas d'argent sont obligés d'aller dans des hôpitaux qui n'ont pas les moyens de les recevoir convenablement.
-Libéralisme mondialiste : si le marché et le libre-échange sont des choses naturelle, dès qu'on les systénatisent elles deviennent des idéologies. C'est le cas de l'OMC qui n'a aucun sens du compromis, qui imposent sa politique puisqu'elle a le savoir.
-Terrorisme du politiquement correct : diabolisation de ceux qui ne pensent pas comme nous, hostilité aux notions traditionnelles, notamment en matière de justice, contestation d'un certain nombre de normes...

-Construction européenne : Hureaux se réfère ici à l'Ecole de Bruges dans la lignée de la pensée tatchérienne. La liberté collective est la liberté des nations. En abolissant la liberté des nations on risque de tuer la liberté des individus. L'Europe correspond à 22 critères sur 24. Par exemple, elle a une bureaucratie qui a raison quand le peuple a tort. Elle a une mécanique centraliste. Elle bafoue les cultures...

III. QU'EST CE QU'UNE POLITIQUE NON IDEOLOGIQUE ?

C'est une politique où ceux qui dirigent ne se laissent pas diriger par les clercs. Il faut garder comme objectif le bien commun de la société. L'homme politique est plus un être pragmatique qui se méfie de la logique. Il a une capacité d'arbitrage entre différentes politiques. C'est universel, des chefs de tribus aux bons présidents. Quand on n'est pas convaincu d'une vérité on respecte les libertés.

Il faut tout de même gouverner avec des chimères. Sans chimères on ne fait rien, on ne peut entraîner le peuple. Mais les chimères ne sont que mensonges. La politique c'est justement peut-être de mettre les chimères à leur place.

 

QUELQUES QUESTIONS :

-Le libéralisme n'est-il pas une idéologie ?
-Le libéralisme est né naturellement. Le libéralisme en soi n'est pas une idéologie, l'ultralibéralisme peut âtre par contre considérée comme telle.

-Le nationalisme est-il une idéologie ?
-L'amour de sa société est dans l'ordre de la nature. Le cadre national est une nécessité.

-Est-ce que dans l'évolution, sachant qu'on est passé du clan à la région, de la féodalité à l'Etat, n'est-il pas naturel de passer à l'Europe, puis au monde ?
- La nation est un cadre idéal, du point de vue philosophique, historique, pragmatique (la France est viable en elle-même, et le cadre national est la structure la meilleure pour résoudre les problèmes).


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